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La vieillesse n’est pas une maladie

Publié le 24 février 2021

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La vulnérabilité physiologique des personnes âgées et les stéréotypes âgistes.

La vulnérabilité physiologique des personnes âgées constitue un fait que les statistiques de la pandémie ont confirmé. Elles ont aussi confirmé que la létalité est plus élevée chez les personnes en CHSLD que dans les autres milieux et ce, pour tous les sous-groupes de personnes âgées de 60 ans et plus. (1) On a également observé que le Québec a connu un plus haut taux de décès relié à la Covid-19 que le reste du Canada. Les explications avancées sont diverses, mais celle qui fait état d’un plus grand nombre de personnes âgées en institutions semble à retenir.

Ces taux de décès risquent d’ancrer davantage les stéréotypes concernant la vieillesse car plusieurs études font état d’images négatives et de fausses conceptions de la vieillesse chez la plupart des jeunes et des adultes de nos sociétés nord-américaines. Les images stéréotypées sur le grand âge sont véhiculées par les plus grands spécialistes du monde occidental : couches, pertes de toutes sortes, maladie d’Alzheimer, coûts sociaux… « Après 65 ans, ils sont vieux et ont besoin qu’on prenne soin d’eux ». (2)

Un psychologue québécois qui s’est intéressé à la notion de concept de soi a découvert qu’il n’existait pas d’échelle sur le développement de ce concept chez les personnes de plus de 60 ans. Comme si entre 60 et 100 ans, ou nous avons cessé d’exister ou il ne se passe rien dans nos têtes. (3)

La très grande majorité des personnes de 60 ans et plus sont considérées comme fonctionnelles ou même très actives pour certaines d’entre elles. En effet, la réalité des personnes âgées est loin des stéréotypes entretenus à leur sujet. Cette catégorie de personnes oubliées paient leurs impôts, voyagent et explorent la planète, remplissent nos salles de concert, de cinéma et de spectacles, fréquentent les bibliothèques, musées, restaurants et boutiques.  Sans ce segment de la population, le monde de la culture et des loisirs ferait piètre figure. Bon nombre de ces personnes remplissent également une fonction importante du point de vue du bénévolat. Leur confinement récent a permis de prendre conscience de l’importance de leur apport dans nos œuvres sociales et caritatives. Sans oublier le support qu’elles apportent tant à la génération qui les a précédés — celle de leurs vieux parents — qu’aux générations suivantes, celles de leurs enfants et petits-enfants.

Chez les personnes âgées qui demeurent très actives et créatrices, «il se dégage une impression de vitalité, une attitude fondamentalement optimiste en même temps qu’une grande curiosité intellectuelle (…). Elles ont des projets, veulent encore apprendre, exercer leur mémoire». (4)

L’importance de perceptions plus justes est dans l’intérêt de la société

a)    L’éducation, facteur prédictif de santé des personnes âgées

D’un point de vue strictement économique, les gouvernements ont intérêt à comprendre que les dépenses à titre préventif consacrées à l’éducation et au développement de l’ensemble de la population de même que le développement de ces mêmes capacités chez les personnes âgées auront un effet bénéfique non seulement sur les aînés eux-mêmes, mais sur l’ensemble de la société. Il s’agit d’une approche psycho-préventive par opposition à une approche médico-curative, qui est celle qui a prévalu jusqu’à maintenant.

Le lien de causalité entre éducation et qualité de vie constitue un fait établi. Une bonne santé psychique a un effet positif sur la santé physique. (5)  Le progrès des connaissances fait en sorte que la proportion des personnes âgées ira en augmentant alors que les ressources humaines pour prendre soin des personnes âgées dépendantes ira en diminuant. On ne peut donc ignorer la dimension économique de ces prévisions démographiques.

b)    Retraite, hébergement et invisibilisation

Dans un livre récent, Laure Adler parle de «l’invisibilisation» des personnes âgées «qu’on place aux abris», sans doute pour les oublier. (6)

Les «Maisons des aînés» ne sont pas LA réponse au problème. Le fait de parquer les «petits vieux » dans des manoirs ou des CHSLD, ne présente AUCUNE différence dans le sens de METTRE AU RANCART les personnes âgées. Des protocoles de soins appropriés à domicile les rendraient plus visibles socialement tout en étant plus humains et moins coûteux.

L’établissement de l’âge de la retraite remonte à la fin du XIXème siècle. L’espérance de vie ne cessant d’augmenter depuis, cet âge doit être repensé. La société sera de moins en moins en mesure de prendre soin des personnes âgées dépendantes, et la retraite a comme conséquence de mettre les personnes plus âgées au rancart de la société. À voir évoluer les choses, «Peut-on penser 35 ans de vie active et 50 ans de vie inactive?». (7)

Les personnes de 65 ans et plus ne peuvent travailler au même rythme qu’une personne de 30 ou 40 ans. Une perspective de mentorat pour ces personnes est bénéfique à plusieurs égards. Une vie active reconnue socialement et adaptée à l’âge représente une façon de rendre les personnes âgées non seulement plus visibles, mais aussi plus utiles à leur société. De plus, le fait de se sentir utiles aux autres constitue un facteur de santé mentale pour les personnes âgées. On parle ici d’un travail qui donne un sens à la vie par opposition à celui qui, déshumanisé et trop répandu, ne se fait qu’au profit des bailleurs de fonds.

Janine Gagnon-Corbeil
Psychologue et octogénaire

Janine Gagnon-Corbeil est psychologue et essayiste. Elle a dirigé un programme de formation à la Gestalt à Montréal, en France et en Belgique. Mme Gagnon-Corbeil est co-auteure de livres publiés au Québec, en France et en Angleterre, et elle est auteure de nombreux articles publiés ici et ailleurs. Elle est également auteure du livre Une aidante naturelle comme les autres.

(1)  Institut national de santé publique, rapport intérimaire, novembre 2020.

(2)  Friedan, B. (1993). The Fountain of Age. New York, Simon & Schuster.

(3)  L’Écuyer, R. (1992). La restructuration des perceptions de soi chez les personnes âgées de 60 à 100 ans. Colloque de l’association québécoise de gérontologie. 

(4)  Leclerc, G. Poulin, N. (1985). « Profil d’actualisation des personnes âgées participantes. » Colloque sur la recherche en gérontologie, 53ème Congrès annuel de l’ACFAS, Université du Québec à Chicoutimi.

(5)  Lefrançois, R. (2004) Les Nouvelles frontières de l’âge. Les Presses de l’Université de Montréal.

(6)  Adler, L. (2020) La voyageuse de nuit. Paris, Grasset.

(7)  De Rosnay, J., De Closets, Fr. et Simonnet, D. (2005) Une vie en plus. La longévité, pour quoi faire? Paris, Éditions du Seuil.

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